Saint Suaire de Cadouin : de la légende à l'histoire

Si Cadouin est célèbre pour la qualité architecturale de son abbaye cistercienne, sa renommée doit plus encore à son insigne relique qui a drainé, pendant 7 siècles, d'innombrables foules de pèlerins jusqu'en forêt de Bessède : le Saint Suaire de Cadouin.

 

Son histoire est aussi longue que riche en évènements, s'y mèlent histoire, légende, miracles et mystères. Mystère de ses origines orientales, légende de son arrivée à Cadouin, miracles pour ses pèlerins et histoire d'un pèlerinage qui du Moyen Age à 1934 à rythmé la vie des moines et des caduniens.

 

Exposé à l'entrée du cloître, le fac-simile du Saint Suaire de Cadouin (l'original est en restauration) témoigne de la longue histoire de cette relique considérée comme celle du Christ pendant des siècles. Mais la science en 1934 est venue contredire des siècles de dévotion et de miracles : le linge de Cadouin n'est pas celui qui a entouré la tête de Jésus au tombeau, ce n'est pas le Saint Suaire... Ce tissu de lin et de soie n'est qu'un linge médiéval. Mais son histoire n'en est que plus belle.

Le portail roman de l'abbatiale
Le portail roman de l'abbatiale

Le mystère des origines 

 

Aucune archive ne permet de retracer les origines du Suaire de Cadouin. Pendant des siècles, l'histoire se mêle de légende et l'héritage de cette relique de la Passion par les moines de Cadouin s'inscrit dans la lignée de biens des "reliques" médiévales. Une pancarte affichée dans l'abbatiale depuis le Moyen Age attestait de l'authenticité de cette relique. Ramenée de Terre Sainte après la 1ère Croisade, elle était destinée à la cathédrale du Puy, celle d'Adhémar de Monteil, légat du pape dirigeant cette Croisade, puisque c'est lui qui était l'heureux bénéficiaire de l'invention de cette relique pendant le siège d'Antioche. Mais les chanoines du Puy refusèrent de croire à l'histoire du prêtre périgourdin que le légat-évêque avait chargé de ramener la relique dans sa cathédrale. C'est donc naturellement dans sa paroisse de Brunet que le prêtre périgourdin décidait de conserver cette précieuse relique. Voisin des moines de Cadouin qui venaient de s'installer dans le vallon du Bélingou, en contrebas de Brunet, le prêtre ne tardait pas à rejoindre la communauté monastique. Son église en bois ayant brûlé, le Saint Suaire, miraculeusement épargné, était récupéré en 1117 par les moines de Cadouin qui accueillaient le malheureux prêtre dans les murs de leur abbaye fondée deux ans plus tôt. Le Saint Suaire était désormais cadunien, il le resterait pour toujours... malgré quelques épisodes extérieurs à Cadouin.

 

C'est ainsi que l'origine du Saint Suaire de Cadouin a été colportée pendant des siècles. Il faut pourtant se rendre à l'évidence des sources historiques qui ne mentionnent le suaire cadunien qu'à partir de... 1214 ! Soit un siècle après la fondation de l'abbaye.

C'est au chef de la Croisade contre les Albigeois que nous devons cette première preuve de présence du suaire à Cadouin. Un texte de 1214atteste que Simon de Montfort confie aux moines caduniens le soin de brûler des cierges en l'honneur du Saint Suaire et pour le salut de son âme. C'est donc au début du XIIIème siècle qu'il faut rechercher les origines caduniennes du Saint Suaire, bien loin de la rocambolesque histoire du prêtre de Brunet.

Malheureusement aucun document ne nous permet de connaître les raisons pour lesquelles cette relique échoit aux mains des caduniens ni quel généreux donateur pourrait en être à l'origine. Bien des hypothèses ont été échafaudées jusqu'à présent pour l'expliquer... aucune n'est satisfaisante. Le mystère plane donc encore sur ses origines.

 

Une relique vénérée

Point de mystères en revanche sur la suite de son histoire. A partir de 1214 l'histoire de l'abbaye est intimement mêlée à celle de sa relique : grandeur et décadence se succèdent jusqu'à la Révolution et au départ des derniers moines.

Sans la présence de la relique l'histoire de l'abbaye et du village aurait été bien différente. Si Louis XI, après les malheurs de la Guerre de Cent Ans et un procès interminable avec les consuls de Toulouse, rend la relique aux caduniens, confiée aux Toulousains pendant ce conflit pour éviter d'être dérobée, c'est bien parce que ce roi dévot estime légitime la requête cadunienne. Le roi rend la relique à ses propriétaires et finance en grande partie la reconstruction de l'abbaye endommagée pendant la guerre, et notamment la construction du cloître gothique flamboyant qui fait aujourd'hui la renommée de Cadouin. Le roi finance également la création d'une halle, elle aussi toujours admirée par les touristes, pour relancer l'activité économique autour de l'abbaye.

 

Quel aurait été le destin de l'abbaye et du village sans la générosité, empreinte de dévotion pour l'insigne relique, du roi Louis XI ? Les moines seraient-ils revenus à Cadouin ? Auraient-ils trouver les financements pour reconstruire leurs bâtiments ? Le village se serait-il développé autour de l'abbaye ? Sans doute pas.

 

La science a raison de la foi

En tout cas le pèlerinage du Saint Suaire se poursuit jusqu'à la fin du XVIIIème siècle. Mais force est de reconnaître que sa gloire et sa renommée sont derrière lui. Plus grand monde ne se déplace à adouin pour les annuelles ostensions de septembre au cours du siècle des Lumières. La Révolution vient chasser les derniers moines et le Saint Suaire, miraculeusement épargné une fois encore grâce au maire Bureau qui le cache pour le soustraire à la furie destructrice des enragés, est de nouveau exposé dans l'église, devenue paroissiale à la faveur de la Révolution. En 1797, le pèlerinage est solennellement relancé mais il n'est plus fréquenté que par les caduniens et les paroissiens voisins.

 

Le XIXème siècle est une longue suite d'ostensions aussi confidentielles que périodiques. Chaque année au mois de septembre la relique est sortie de son reliquaire et une procession parcourt les rues du village pour offrir la relique en vénération aux pèlerins. Le village, que commence à toucher l'exode rural s'endort paisiblement... jusqu'en 1866.

 

La longue histoire du pèlerinage du Saint Suaire de Cadouin n'est pas terminée. Elle va même connaître une éblouissante renaissance. Nous sommes en 1866, un nouvel évêque, Mgr Dabert, dirige le diocèse. Il cherche un sanctuaire diocésain capable de drainer des foules de pèlerins pour participer à son oeuvre d'évangélisation diocésaine. Quand il apprend l'existence à Cadouin d'une relique de la Passion il ne tarde pas à réagir. Il jette son dévolu sur le Saint Suaire et l'histoire de Cadouin s'en trouve encore une fois bouleversée... jusqu'en 1934.

Un objet d'étude, un trésor culturel  

 

C'est cette histoire, de la restauration à la fin d'un pèlerinage, entre 1866 et 1934, que retrace ce travail d'étude et de recherche, réalisé par un étudiant de maîtrise en 1997, sous la direction de Monsieur le professeur Agostino, à la faculté d'Histoire de Bordeaux III.

 

Ce mémoire de maîtrise s'attache à comprendre les raisons de la restauration de ce pèlerinage par Mgr Dabert, à analyser les moyens matériels et spirituels qui seront déployés pour assurer le succès de ce pèlerinage, à décrire la nature de ce pèlerinage, à étudier l'incidence du pèlerinage sur la vie du village et l'évolution de ce dernier entre le milieu du XIXème siècle et l'entre-deux-guerres, enfin à raconter les conditions de la suppression de ce pèlerinage ancestral par Mgr Louis en 1936.

 

Si le linge cadunien n'a jamais couvert la tête de Jésus au Tombeau, s'il a été tissé en Egypte à la fin du XIème sicèle, si ses bandes ornementales possèdent des caractères coufiques qui vantent la gloire du calife musulman Musta Ali et invoquent Mahomet et Allah, sa valeur n'en est pourtant pas moindre tant son histoire est riche et sa valeur archéologique inestimable. 

Mais au-delà de ces considérations matérielles, le Suaire de Cadouin est d'abord et avant tout un puissant symbole : pendant sept siècles des pèlerins chrétiens ont vénéré dans l'abbatiale de Cadouin un linge musulman. Quel autre objet pourrait mieux symboliser le rapprochement entre les religions et l'universalité de la foi.

 

 

 

Mémoire de maîtrise en histoire contemporaine (1997)

Patrice Bourgeix

 

Ce travail de recherche concerne l'étude du pèlerinage du St Suaire de Cadouin, de sa relance en 1866 jusqu'à sa suppression en 1934.

Il permet de comprendre pourquoi ce pèlerinage médiéval a été restauré au XIXème siècle et quels moyens ont été déployés par les autorités religieuses du diocèse de Périgueux pour lui redonner son prestige passé, jusqu'à sa suppression en 1934.

Parallèlement à l'histoire du pèlerinage, ce mémoire traite également de l'évolution du village de Cadouin de la fin du XIXème siècle à l'entre-deux-guerres.

 

Le pèlerinage du St Suaire de Cadouin (1866-1934)
Mémoire de maîtrise de Patrice Bourgeix
Le pèlerinage du St Suaire de Cadouin -1
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L'abbaye de Cadouin est un sujet de recherche qui intéresse de nombreux chercheurs : histoire, histoire de l'art, géographie...

Les Amis de Cadouin contribuent à favoriser l'étude et la recherche sur le patrimoine cadunien en organisant chaque année le colloque des Amis de Cadouin, organisée autour du 20 août (samedi), permet de faire intervenir de nombreux spécialistes pour des conférences aussi éclectiques que passionnantes.

 

Nous mettons à la disposition des visiteurs des travaux de recherche concernant l'histoire et le patrimoine de l'abbaye de Cadouin. Pour consulter les Actes des colloques de Cadouin : cliquer ici.

Le retour du vrai faux Saint Suaire et de son facsimilé.

 

Depuis le printemps 2012, une exposition présente les récents travaux du cloître ainsi que le facsimilé du tissu fatimide nommé Saint Suaire de Cadouin réalisé depuis 2006 par l'E.N.S.I.S.A (Ecole Nationale Supérieure d'Ingénieurs d'Alsace)  avec la  collaboration du L.R.M.H (Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques) .

L'original devrait également retrouver sa place au coeur de l'abbaye mais il ne sera plus présenté au public:l'exposition prolongée à la lumière détériorant le tissu.